Bien que la gravure connaisse de nos jours de nombreux bouleversements
d’ordre technique, le graveur reste fidèle à une certaine continuité de la
tradition à travers l’utilisation d’outils (burin, pointe sèche, berceau),
prolongement de la main de l’artiste. Guidé par ses rêveries, ses émotions
et l’envie de les faire naître, l’artiste, en pleine méditation, établit
une relation intime avec la matière qu’il taille, qu’il incise, qu’il gratte
ou caresse patiemment avec ses outils, laissant une empreinte comme témoin
de ses aspirations. Une véritable alchimie unit l’artiste et la matière comme
le souligne André Bongibault : « Le graveur maîtrise le temps et s’y installe.
La gravure revêt un aspect méditatif ; elle possède un côté très physique dans
le contact avec la matière qui exerce une sorte de fascination sur le graveur »
Travail de réflexion et de patience, parfois déroutant pour des néophytes en
raison de la multitude de ses techniques, la gravure ressemble à une longue
quête initiatique semée d’embûches qu’il faut contourner pour atteindre un
premier résultat : le premier état. Ce dernier est vecteur d’émotions et de
magie lorsque l’artiste découvre pour la première fois l’image tant désirée,
celle qu’il avait imaginée et qu’il ne pouvait voir jusqu’à présent.
Une fois le modèle d’impression choisi, c’est-à-dire le « bon à tirer », une
autre étape, tout aussi délicate, intervient : l’impression.
Certains artistes développent dès le début le goût du tirage et aiment imprimer
eux-mêmes. L’artiste reste donc maître de sa création jusqu’à son terme.
Tandis que d’autres confieront leurs planches à des maîtres imprimeurs mais ils
suivront minutieusement la progression du travail fait au sein de l’atelier
d’impression. Bien qu’il soit une expérience étonnante pour le profane, l’atelier
d’impression reste, aussi, pour l’artiste un lieu de plaisir qui chaque fois
se renouvelle.
Lieu indiscutablement magique, parfumé aux essences et aux encres puissantes,
à la fois sombre et coloré, au centre duquel trône la presse, laquelle donne
naissance aux oeuvres des artistes.
Suite à l’impression, l’estampe devient un objet précieux, une oeuvre à part
entière par ses qualités d’expression spécifiques, par la valeur et les
connaissances techniques qu’elle implique, par son esthétisme intrinsèque,
par la fragilité et les qualités de son support et par sa rareté
(faible tirage d’épreuves).
Technique très séduisante par son mystère et par les nuances délicates qu’elle
permet d’obtenir, la gravure exige, néanmoins, une parfaite maîtrise des outils
et des techniques et implique un certain nombre de contraintes. Toutefois, le
hasard et l’intuition peuvent permettre à l’artiste de tirer parti de l’impondérable.
L’image évolue au gré des réactions et des caprices de la matière ; à l’artiste
de la saisir et prévoir l’instant précis où elle se rapproche de l’effet tant escompté.
La gravure est un métier dont on ne possède toutes les subtilités qu’au terme de
plusieurs années et elle demande de la patience, de la rigueur et une longue
pratique alliée à la sensibilité. La richesse de cet art tient dans la complexité
et la multitude de ses techniques.
Passionné par cette infinité de possibilités, l’artiste est subjugué et souhaite aller
toujours plus loin, renouveler les expériences pour dominer la matière. La gravure tire
son originalité de son style diversifié et de son authenticité indéniable, lorsque
l’artiste sait traduire une part de ses racines, donc de sa vérité, seule source du beau.
La gravure apparaît alors comme un métier, un art, une passion.